Le coin des stagiaires de la Bourse pour l’élaboration de politiques scientifiques canadiennes : Tenir compte des valeurs dans les politiques scientifiques

Lors de la Conférence sur les politiques scientifiques canadiennes, j’ai trouvé que de nombreuses séances avaient une portée plus étroite que j’aurais aimé. Par exemple, la séance sur l’analyse des systèmes pour la prise de décisions fondée sur des données probantes portait sur l’utilisation de la technique pour façonner la politique énergétique. Un des intervenants a mis une quantité impressionnante d’efforts sur l’analyse et le fait qu’ils ne soumettaient pas de recommandations, mais voulaient laisser les résultats parler d’eux-mêmes.
Toutefois, des résultats, ça ne parle pas. Ils ne font qu’être. Les résultats doivent être interprétés, évalués et jugés en fonction de l’issue souhaitée, qui est en fonction de ce que nous valorisons. De déterminer ce que nous valorisons comme société exige de s’engager en politique. Malheureusement, la politique a été mise de côté pour une discussion politique plus technique pendant ce panel, malgré son importance dans la vie quotidienne des Canadiens.
Un panel qui a fait ressortir la question des valeurs et de leur importance dans l’élaboration de politiques scientifiques était celui de la Société royale du Canada sur « La stratégie du Canada face aux changements climatiques ». Le panel était composé de deux membres de la Société royale, les professeurs Catherine Potvin de l’Université McGill et Mark Jaccard de l’Université Simon Fraser ainsi qu’Arlene Strom de Suncor Inc. Le format de la discussion était différent des séances précédentes puisque M. Jaccard a fait une présentation détaillée sur la politique face aux changements climatiques au Canada. Les autres panélistes ont été invitées à commenter et à répondre, à celle-ci, créant un dialogue animé entre les participants.
M. Jaccard a commencé la discussion en soulignant ce qui pourrait être fait pour atteindre les objectifs de l’Accord de Paris récemment adopté par le gouvernement canadien. Il a démontré que la gamme d’options politiques disponibles pourrait être décomposée en quelques catégories générales. À un bout du spectre, il y a des mesures volontaires pour aider à encourager les citoyens et les entreprises à réduire leur empreinte carbone, comme le Défi d’une tonne. À l’autre extrémité, il y a des mécanismes obligatoires tels que des règlements et la tarification des émissions, tels que le programme Advanced Clean Car en Californie et la taxe sur le carbone de la Colombie-Britannique.
Je pouvais voir des valeurs qui s’infiltraient dans la discussion des politiques. Les politiques sur la table pourraient être soit coercitives ou volontaires, qui, selon la valeur que vous accordez à votre autonomie personnelle, pourraient être perçues comme une imposition utile ou une menace à votre liberté. Bien sûr, les politiques ne sont pas non plus égales dans leur efficacité. Par exemple, le Défi d’une tonne qui était volontaire n’a pas réussi à changer significativement les comportements des Canadiens, mais la taxe sur le carbone obligatoire de la C.-B. a réduit les émissions de gaz à effet de serre. Pour cette raison, M. Jaccard a écarté les politiques et programmes volontaires si le Canada souhaite atteindre ses cibles pour 2030.
Cependant, les mesures obligatoires ne sont pas toutes équivalentes. À un niveau, les règlements sont généralement perçus comme étant économiquement inefficaces puisqu’ils réduisent les émissions de gaz à effet de serre à un prix plus élevé par tonne qu’une taxe sur le carbone ou un programme de plafonnement. Toutefois, afin d’atteindre les cibles auxquelles le Canada s’est engagé, le prix par tonne de carbone devrait être assez élevé pour avoir de grands impacts sur le coût des achats quotidiens tels que l’essence. La nature large du prix le rend efficace, mais rend les achats quotidiens plus dispendieux. De l’autre côté, la réglementation est ciblée, n’affecte que certaines industries et peut être perçue comme une action positive pour combattre les changements climatiques, même si en fin de compte, elle coûte plus cher. Encore une fois, la question de savoir ce qu’il faut valoriser le plus apparaît : l’efficacité économique ou l’acceptabilité politique? M. Jaccard à répondu que ce devait être le dernier plutôt que le premier.
Après la présentation de M. Jaccard, Catherine Potvin a ajouté ses perspectives sur les changements climatiques. Elle parla de l’échec de la ronde de négociation de Copenhague à laquelle elle a assisté et exprima de l’espoir face à l’Accord de Paris. Mme Potvin a souligné que ce dont nous avons besoin maintenant est un changement dans le discours public à propos des changements climatiques. Depuis trop longtemps, le discours a été dominé par les impacts négatifs des changements climatiques plutôt que sur les effets positifs de l’aborder.
Elle a mentionné qu’en Amérique latine, où elle réalise une grande partie de son travail terrain, plusieurs habitants sont heureux d’utiliser des technologies plus vertes plutôt que d’utiliser des méthodes de production plus intensives en carbone. Par exemple, alors que certains Canadiens ne veulent rien savoir des moulins à vent sur leurs terres ou près de leurs maisons, les Latinos américains les perçoivent comme des aspects de modernité ou « comme vivre dans le futur ». En redéfinissant le débat politique par rapport aux valeurs de l’innovation et de la modernisation, Mme Potvin croit que le public canadien percevrait les actions et politiques face aux changements climatiques plus positivement.
Après Mme Potvin, Arlene Strom a fait ressortir le besoin de trouver des valeurs communes entre les groupes qui pourraient être des côtés opposés du débat pour permettre de prendre action. Après l’élection de 2015 en Alberta, le gouvernement a rassemblé des représentants des entreprises, des groupes environnementaux, des syndicats et d’autres organismes non gouvernementaux pour trouver une façon de progresser par rapport aux politiques de changements climatiques. Mme Strom a indiqué qu’en ciblant les valeurs communes telles que la protection des ressources naturelles et le maintien d’une économie pour les Albertains de l’avenir, ils ont été capables de s’entendre sur un prix carbone pour la première fois.
Le panel s’est terminé avec un débat imprévu sur les pipelines. M. Jaccard a estimé qu’il n’était pas logique de dépenser des milliards de dollars sur des infrastructures pour transporter des combustibles fossiles sans les utiliser au maximum de leur capacité, ce qui voudrait dire que le Canada n’atteindrait pas ses engagements de Paris. Mme Strom a répliqué que les pipelines étaient nécessaires pour garder les emplois et revenus nécessaires pour faire la transition vers une économie à faible carbone — un argument que nous avons depuis entendu avec les récentes annonces fédérales.
Ce débat a une fois de plus souligné l’importance des valeurs et le besoin de réflexions politiques en politiques scientifiques. Accordons-nous plus de valeur aux emplois et à la croissance économique à court terme qu’aux effets sur le climat et ses coûts économiques? La réponse ne sera pas décidée par un rapport de haut niveau, mais dans des débats et des conversations à propos de ce que nous valorisons et, avec un peu de chance, ce que nous savons.
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La Bourse pour l’élaboration de politiques scientifiques canadiennes est rendue possible grâce à la professeure Sarah Otto, du Département de zoologie à l’Université de la Colombie-Britannique, aux agences et ministères fédéraux participants, à l’Institut de recherche sur la science, la société et la politique publique de l’Université d’Ottawa ainsi qu’au comité consultatif de la Bourse pour l’élaboration de politiques scientifiques de Mitacs.