Institut C.D Howe : Compétences futures, Travail futur

De : Alejandro Adem

À : Les Canadiens préoccupés par le perfectionnement des compétences

Date : Le 20 février 2019

Re : Compétences futures, travail futur

Nous entendons beaucoup parler de l’innovation technologique et des perturbations qu’elle entraîne. Cela comprend généralement des prédictions inquiétantes de nouvelles technologies remplaçant les travailleurs dans de nombreux emplois.

Mais nous entendons beaucoup moins parler de la façon dont la ressource la plus indispensable du Canada – sa population – peut relever les défis du marché du travail de demain. La mobilisation des connaissances et des gens, permettant à l’un d’élever l’autre, est la clé pour surfer sur la vague mondiale de perturbations technologiques et assurer la réussite et la prospérité économiques continues du Canada.

Cette prise de conscience a motivé le travail du Conseil consultatif en croissance économique, qui a donné lieu à l’engagement d’Ottawa en 2017 de 225 millions de dollars sur quatre ans et de 75 millions de dollars par année par la suite pour établir un Centre de compétences futures.

Il s’agissait d’une réponse directe à l’avertissement du Conseil selon lequel « l’infrastructure de développement des compétences du Canada n’est tout simplement pas équipée pour relever les défis qui nous attendent ».  Pour résoudre ce problème, le conseil a exhorté à mettre à jour nos systèmes d’éducation de la maternelle à la 12e année et postsecondaire afin de mieux préparer ceux qui entrent sur le marché du travail, à adapter les filets de sécurité pour mieux soutenir ceux qui en quittent et à créer un « troisième pilier » qui se concentre sur les adultes qui travaillent aujourd’hui, leur permettant de continuer à travailler demain. 

Le nouveau Centre des compétences futures vise à compléter les travaux déjà en cours du Conseil d’information sur le marché du travail, de Statistique Canada et des nombreux organismes sans but lucratif et autres qui étudient actuellement les besoins en compétences du marché du travail en évolution du Canada. Il a le potentiel d’appuyer les partenariats afin de trouver de nouvelles façons novatrices d’enseigner et de maintenir les compétences, de mieux comprendre les compétences dont les employeurs ont besoin, de rejoindre les groupes sous-représentés, de déterminer les pratiques exemplaires, de mesurer les résultats et de partager les résultats avec les gouvernements, les intervenants, les employeurs et, surtout, les Canadiens.

Le succès du centre dépend de son engagement à l’égard d’une vaste collaboration qui ne s’étend pas naturellement à un domaine de la politique publique extraordinairement fragmenté et cloisonné dans tous les axes.

Mais les fondations sont déjà en place. Les universités canadiennes exploitent des programmes coopératifs depuis des années, les collèges excellent dans l’apprentissage pratique et Mitacs fait le pont milieu postsecondaire et l’industrie d’offrir aux diplômés de précieuses possibilités d’apprentissage intégré au travail pendant 20 ans. Le nouveau Centre des compétences futures n’a pas besoin de réinventer la roue. Mais le fait de surmonter les obstacles à la collaboration et d’obtenir l’adhésion dans l’ensemble du système déterminera, en grande partie, son succès.

L’enjeu est de taille. Le Conseil consultatif a averti que plus de 10 % des emplois existants au Canada courent un risque élevé d’être éliminés d’ici 2030 en raison de l’automatisation et d’autres changements sur le marché du travail. Parmi les emplois qui subsistent, un récent rapport de RBC a déterminé que la moitié nécessitera un réétalonnage important des compétences. Ajoutant à la complexité, l’Institut C.D. Howe a déterminé que ces changements affecteront les régions et les provinces très différemment, ce qui présentera des défis uniques pour différentes régions du pays. Cela aggravera les problèmes existants et de longue date, comme l’augmentation constante de l’emploi précaire au Canada depuis 2000 et le quasi-doublement du chômage de longue durée au Canada au cours de la dernière décennie.

Pourtant, cela ne signifie pas que les gens deviennent obsolètes. Même en tenant compte des perturbations technologiques prévisibles sur le marché du travail, les gens resteront indispensables dans des emplois nécessitant une réflexion et une résolution de problèmes complexes, une interprétation et une analyse conceptuelles, la communication humaine, le fonctionnement et la programmation de la machine, les services commerciaux et personnels, et les tâches impliquant une dextérité manuelle.

La morale de l’histoire est qu’avec la perturbation technologique vient l’occasion. Mais profiter de cette opportunité nécessite de nouvelles compétences. Nous avons besoin de prévoyance pour savoir quelles compétences seront nécessaires, d’ingéniosité pour développer de nouvelles façons intelligentes d’enseigner ces compétences aux travailleurs canadiens de tous âges, et de collaboration pour nous assurer d’atteindre les résultats que nous voulons de la manière la plus efficace possible.

La décision d’Ottawa de créer le Centre pour les compétences futures, appuyée par un important engagement de financement pluriannuel, est un signe encourageant de sa reconnaissance du fait que les travailleurs qualifiés et les producteurs de connaissances prêts à l’emploi sont essentiels à la réussite future du Canada.

Et en trouvant des moyens d’inclure les groupes sous-représentés dans les possibilités de compétences et de formation, nous pouvons aider à faire en sorte que les Canadiens soient habilités à réaliser leur plein potentiel sur le marché du travail.

En permettant aux travailleurs canadiens de prendre des décisions éclairées et d’acquérir les compétences futures nécessaires, nous pouvons leur donner les moyens de continuer à mener une vie industrieuse et épanouissante, même dans le contexte d’un marché du travail en évolution rapide.

 

Alejandro Adem est chef de la direction et directeur scientifique de Mitacs, un organisme sans but lucratif qui favorise la croissance et l’innovation au Canada. Il est également professeur de mathématiques à l’Université de la Colombie-Britannique.

Source : Institut C.D Howe

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