Rapport

Le coin des chercheurs et chercheusesBEPSC : évitez de créer le Terminator! Pensez à l’incidence éthique des technologies perturbatrices avant qu’il ne soit trop tard

Les nouvelles technologies ont le potentiel d’influencer considérablement la vie quotidienne. Parfois, les innovations technologiques sont si puissantes qu’elles bousculent le statu quo. Ces technologies sont appelées technologies perturbatrices parce qu’elles remplacent les produits et les pratiques établis, conduisant parfois même à la création de toute nouvelles industries.

Réfléchissez un instant à la façon dont le fait de posséder une voiture sans conducteur, une technologie perturbatrice qui se développe rapidement, pourrait affecter votre vie. Combien d’autres livres pourriez-vous lire maintenant que votre trajet du matin ne vous oblige pas à faire attention à la route ? Combien de sommeil de plus pourriez-vous obtenir si vous pouviez faire une sieste en toute sécurité pendant que votre voiture vous conduit au bureau ? Combien d’accidents pourrait-on prévenir en supprimant l’élément d’erreur humaine de la conduite ? Il est facile d’imaginer de tels changements positifs provoqués par cette nouvelle technologie. Il n’est donc peut-être pas surprenant que les technologies perturbatrices soient d’un grand intérêt non seulement pour les vers de livres, les amateurs de sommeil et les soucieux de la sécurité, mais aussi pour ceux qui sont en première ligne et qui génèrent de nouvelles idées qui peuvent devenir le prochain grand perturbateur, et pour ceux qui travaillent pour s’assurer que les meilleures idées les plus susceptibles de changer la donne sont correctement financées et soutenues.

Jeudi après-midi, lors de la Conférence sur les politiques scientifiques canadiennes (CPSC), les technologies perturbatrices ont été à l’avant-plan d’un panel passionnant présidé par le Dr Paul Dufour et mettant en vedette les Drs Foteini Agrafioti, Mo Elbestawi, Richard Hawkins, Michele Mosca et Duncan Stewart. Allant de milieu postsecondaire au gouvernement dans le monde de l’entrepreneuriat et des affaires, ces panélistes ont discuté de l’importance de soutenir les chercheurs et les partenaires de l’industrie dès les premières étapes, de veiller à ce que les technologies perturbatrices potentielles soient identifiées lorsqu’elles apparaissent en laboratoire et d’élaborer des moyens créatifs pour faciliter leur adoption par le public.

Bien sûr, il y a des défis à relever pour y parvenir. M. Mosca, en réfléchissant à son expérience en informatique quantique, a décrit l’importance des premiers investisseurs dans les technologies potentiellement perturbatrices pour s’assurer qu’elles peuvent être transformées en possibilités pour le Canada. « C’est une question de chance, parfois », a-t-il déclaré, et sans adoptants, les fruits de la recherche sur les technologies de rupture peuvent être gaspillés. En fait, la crainte d’investir dans des technologies potentiellement perturbatrices peut être dangereuse, et si le Canada n’investit pas dans la technologie perturbatrice, nous risquons plutôt d’être perturbés par celle-ci. La Dre Agrafioti a fait écho à ces sentiments, décrivant ses difficultés en tant que jeune inventrice de technologies perturbatrices et les difficultés de trouver un soutien précoce. M. Stewart a proposé des solutions, suggérant que l’ère de l’innovation est bien adaptée aux forces du Canada. Il a souligné l’importance de la collaboration multisectoriel pour faire progresser le développement de technologies perturbatrices, y compris le financement gouvernemental ciblé, la collaboration entre entreprises publiques et privées et le partenariat avec la société civile, soulignant que la DARPA, Grands Défis Canada, la Fondation Gates et le Prix X sont d’excellents modèles. Enfin, les Drs Elbestawi et Hawkins nous ont rappelé le rôle de la collaboration université-industrie, comme celui fourni par Mitacs, et ont souligné l’importance de concevoir des programmes d’études universitaires qui informent les étudiants des besoins de l’industrie et leur permettent d’acquérir des compétences pour un partenariat efficace avec l’industrie après l’obtention de leur diplôme, et de mettre les chercheurs au défi de repousser les limites. Dans l’ensemble, la table ronde a mis en évidence les merveilleuses opportunités que les technologies perturbatrices peuvent nous offrir, et l’importance d’encourager cette innovation.

Cependant, en raison de leur « disruptabilité », ces technologies peuvent également avoir de profondes implications éthiques et politiques. Pour décrire cela, revenons à notre exemple de voiture sans conducteur. Quel âge faut-il avoir pour conduire un tel véhicule ? Les exploitants doivent-ils avoir un permis de conduire ? Les lois sur la consommation d’alcool et la conduite automobile seraient-elles différentes pour ces voitures ? Que se passe-t-il si une voiture doit décider entre quitter la route dans la voie de deux adultes pour éviter de heurter un petit enfant, ou freiner soudainement et risquer la vie de l’enfant si la voiture ne peut pas s’arrêter assez vite ? Comment des décisions comme celle-ci sont-elles prises par un ordinateur ? Qui est responsable du résultat ?

Puisqu’elles peuvent entraîner d’énormes changements de paradigme, les technologies perturbatrices sont destinées à poser des défis à nos politiques actuelles, et elles peuvent conduire à des scénarios éthiquement discutables comme ceux décrits ci-dessus. Il est impératif que nous considérions toutes les implications éthiques possibles de l’adoption d’une nouvelle technologie perturbatrice avant de l’adopter précisément en raison du potentiel de la technologie à changer la vie de manière si spectaculaire. Idéalement, la prise en compte de l’éthique éclairerait les politiques régissant l’utilisation d’une nouvelle technologie perturbatrice. Une meilleure collaboration entre les milieu postsecondaire, le gouvernement, l’industrie sont, en effet, essentiels à l’innovation. Mais les décideurs doivent être équipés pour prendre des décisions responsables au sujet des nouvelles technologies. Cela comprend l’établissement de cadres solides pour l’évaluation éthique, la promotion de la communication avec les scientifiques au sujet des risques potentiels et la prévision efficace des politiques précoces. Les décideurs doivent également être conscients que toutes les technologies perturbatrices ne sont pas de bonnes technologies, et que l’engagement politique dès les premières étapes de la recherche devrait permettre d’arrêter le développement d’un produit potentiellement contraire à l’éthique avant qu’il ne soit trop tard.

En veillant à ce que les politiques soient éclairées par une évaluation rigoureuse des implications éthiques de l’utilisation de technologies perturbatrices spécifiques, nous pouvons être assurés que ces technologies feront ce qu’elles sont censées faire : contribuer à une vie meilleure pour nous.


Ce billet de blogue a été publié à Mitacs. Les points de vue ou opinions qui y sont exprimés appartiennent uniquement à l’auteur et ne représentent pas ceux de Mitacs ou des institutions ou organismes auxquels l’auteur peut être associé.

La Bourse de recherche sur la politique scientifique canadienne est rendue possible grâce à la professeure Sarah Otto, Du Département de zoologie, Université de la Colombie-Britannique ; les organismes et ministères fédéraux participants ; l’Institut des sciences, de la société et des politiques de l’Université d’Ottawa ; et le Conseil consultatif de la Bourse de recherche en politiques scientifiques de Mitacs.

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