Rapport

Escalader la tour d’ivoire

Il fut peut-être un temps où les universités pouvaient fonctionner comme des institutions plus ou moins autonomes, en toute sécurité, éloignées des complications quotidiennes du monde au-delà de la soi-disant tour d’ivoire. Je ne sais pas quand c’était (la fin du 19e siècle ? Les années 1950 ? Je ne suis pas historien).

Quoi qu’il en soit, ce n’est pas le cas aujourd’hui. Dans le contexte d’une économie incertaine, d’une technologie perturbatrice et de perspectives d’emploi de plus en plus précaires, les étudiants et les chercheurs d’aujourd’hui recherchent plus que le prestige et l’illumination d’étudier sur un campus universitaire. Ils sont engagés dans leurs communautés ; le lancement d’entreprises en démarrage et la commercialisation d’idées ; travailler dans toutes les disciplines et tous les secteurs ; et la communication de leurs conclusions à des auditoires autres que ceux de leurs universités.

Le problème, c’est que le modèle actuel de financement de la recherche n’a pas été conçu pour cela : il récompense les chercheurs universitaires établis qui poursuivent des projets de recherche propres à une discipline, tandis que les chercheurs émergents ont besoin de financement pour des projets de recherche collaboratifs et interdisciplinaires. La découverte et la recherche appliquée sont catégorisées séparément, comme si l’une n’alimentait pas souvent l’autre. Et les subventions de recherche publiques n’ont pas été conçues pour la recherche qui émerge des makerspaces, des laboratoires de R-D des start-ups, ou même dans les garages de jeunes Canadiens entrepreneurs.  

Donc, avec tout ce qui se passe, comment les universités et les organismes subventionnaires s’adaptent-ils ? Comment pouvons-nous nous assurer que les investissements publics dans la recherche permettent de suivre le rythme de tous ces changements et d’en anticiper de nouveaux ? Lors de la Conférence sur les politiques scientifiques canadiennes de 2016 à Ottawa, certains chercheurs en début de carrière se sont prononcés sur le sujet, et quelques thèmes intéressants ont émergé.

La bonne nouvelle est que les universités deviennent des endroits plus dynamiques , mais elles ne récompensent pas ou n’incitent pas toujours les professeurs à expérimenter, à collaborer entre les disciplines ou à s’engager dans des projets au-delà des murs de la tour d’ivoire. Les milieux universitaires et de recherche doivent éliminer activement les obstacles qui entravent les nouvelles collaborations ; ceux qui ne parviennent pas à s’adapter risquent de prendre du retard.

Nous devons également remettre en question les hypothèses sur ce à quoi ressemble un chercheur ou une équipe de recherche. De nombreuses voies peuvent mener à de grandes découvertes, qu’elles proviennent d’une équipe interdisciplinaire d’universitaires, d’un seul scientifique dans un laboratoire ou d’un groupe d’innovateurs ayant une bonne idée. Nous avons besoin de modèles de financement de la recherche qui embrassent la diversité de la recherche.

Enfin, n’oublions pas que même si nous vivons dans un monde trépidant, nous avons encore besoin d’endroits où nous pouvons prendre notre temps pour apprendre et penser de manière critique. Un financement stable et à long terme demeure essentiel à la compétitivité de notre recherche. Et nous le faisons bien - nous sommes bien au-dessus de notre poids quand il s’agit de notre part mondiale de publications, par exemple. Nous voulons et devons donc faire évoluer nos systèmes, mais n’oublions pas nos forces alors que nous faisons pression pour des changements. 

Pourtant, le monde est en train de changer. Nous devons mieux reconnaître et soutenir les diverses approches de la recherche, et continuer à rendre nos propres tours d’ivoire plus accessibles et plus dynamiques.


Remarque : La discussion en groupe paraphrasée ou cooptée dans ce billet de blogue a eu lieu lors de la Conférence sur la politique scientifique canadienne le 9 novembre 2016 à Ottawa. Maria DeRosa, chimiste de l’Université Carleton et actuelle présidente du Partnership Group for Science and Engineering ; Jeremy Kerr, biologiste de l’Université d’Ottawa et président de la Société canadienne d’écologie et d’évolution ; S. Karly Kehoe, historienne et titulaire de la Chaire de recherche du Canada dans les collectivités du Canada atlantique de l’Université St. Mary’s à Halifax ; Andrew Pelling, biophysicien à l’Université d’Ottawa et boursier TED 2016 ; Val Walker, vice-président, Compétences et innovation, Conseil canadien du commerce ; et a été animé par Rees Kassen, professeur et titulaire de la Chaire de recherche universitaire en évolution expérimentale à l’Université d’Ottawa et ancien coprésident de la Global Young Academy. Les participants ont fourni le matériel, mais ils n’ont pas été impliqués dans la rédaction de cet article de blog. 

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Mitacs

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